02 décembre 2008

L'invention de la solitude

Ne vous fiez pas au titre, ce Premier Amour du hongrois Sandor Marai est un livre absolument pas "sentimental", assez ancien, d'un auteur né en 1900, culte dans son pays, et enfin publié chez Albin Michel en 2008. Personnage déterminé, il a vécu l'occupation, s'est exilé et a décidé du jour de sa mort, à 89 ans.

Il y a quelque chose de L'Etranger dans le héros de ce roman là : professeur de latin de 54ans, vieux garçon à la vie définie, bornée, à la solitude érigée en évidence. Tout semble aller bien... peu d'ambition, peu d'émotions, mais jusqu'ici, tout va bien.
Et puis, il ressent quelque chose, comme une impatience, qui l'empêche de dormir paisiblement et de profiter des seules vacances prises depuis des années. Un autre homme, Timar, lui enseigne qu'il souffre de "solitude coupable". A cela, hormis le desespoir, il n'y a que deux remèdes : l'amour ou Dieu.
Le héros ne s'en inquiète pas, rentré chez lui, tout semble redevenu "reglementaire", il décide de se mettre à la retraite à la fin de l'année et il découvre sans trop d'appréhension sa nouvelle classe de terminale, niveau qu'il n'avait plus eu de puis longtemps...
Je ne raconte pas la suite, mais ce récit, présenté sous forme de journal, m'a énormément plu. Jusqu'au bout, le héros se met à distance, se dissèque avec froideur, observant ses réactions comme s'il s'agissait d'une réaction chimique ou d'une traduction à effectuer. Aucun pathos, mais la description terrible et froide d'un homme bousculé soudain dans sa non-vie, destabilisé, ne se rendant compte de l' évidence qu'en dernier, quand il n'a plus aucun choix.

Extraits:
" C'est un peu comme la soif, cette nervosité. Ou comme lorsqu'on a froid et qu'on n'arrive à se rechauffer nulle part. Ou comme l'insomnie. Ou encore comme la faim. Je ne sais pas. Parfois, il y a des jours où je ne ressens rien, comme si la chose se terrait quelque part. Puis, de façon inattendue, ça me surprend. J'ai observé que parfois mes mains se mettent à trembler. Ou encore j'ai l'impression que ma bouche est envahie par la salive. Parfois ça dure des heures. A la fin de la troisième semaine, j'ai fini par me décider à partir."
" Si j'avais de la religion, je pourrais aimer Dieu. Il y a beaucoup de gens qui s'immergent dans l'amour de Dieu et dans une vie fondée sur le respect de ses commandements. C'est l'essence même de leur existence. C'est très confortable et apparemment, tout à fait satisfaisant. (...) Cependant je dois avouer que je ne me sens pas proche de Dieu. Celui qui a de la religion, ce sentiment l'envahit complètement. Moi, non.
Aujourd'hui, j'ai pensé à la misérable condition de l'être humain. Sa quête d'amour l'amène à examiner pareillement l'achat d'un chien et la croyance en Dieu. Il semblerait que Timar ait raison. On ne peut vivre sans aimer."

7 commentaires:

Keski Lapadila a dit…

Le dernier paragraphe me donne envie d'aboyer et d'acheter ce livre.


Enfin, pas en même temps.

Mister J a dit…

Keski lé bo le toutou !
Achète Pif, tu résoudra tous tes problèmes...



Il y' a parfois des jours ou j'ai l'impression de ne rien ressentir, tellement c'est fort.

(2 commentaires très différents...n'y voyez aucun rapprochement)

2Mimouche a dit…

Effectivement, je rejoins mon camarde Keski dans l'envie de lire cet ouvrage. Là est résumé l'essence de l'athéisme à savoir le non besoin de combler un vide auquel répond l'idée de l'existence d'un pseudo être que personne n'a jamais vu. J'apprécie cette idée qui rapproche la croyance de la possession d'un animal de compagnie qui rassure et permet de se dire que l'on n'est pas seul. Personnellement je préfère aimé mes contemporains et détester l'idée que mes actes ici bas auront une quelconque importance quand je serai en train de déguster les pissenlits par la racine. L'athéisme c'est la liberté et la possibilité que tout change ; la croyance c'est immuabilité et le conservatisme. Et puis comme dit l'autre :"Ni dieu, ni maître".
Mécréant et fier de l’être.

PS: Une pensée au chevalier de la Barre et à tous les apostats.

2Mimouche a dit…

Camarade et non camarde

Anonyme a dit…

résoudras et non résoudra

C'est beau la camarde...j'aime ses marais.

2Mimouche, pour avoir touché le cubénisme de très près et en être vacciné jusqu'au jour des pissenlits, je rejoins fort tes propos mécréants pour m'associer à ton athéisme...

Je possède des animaux qui ont en général une histoire...jamais achetés. Récupérés parce qu'abandonnés ou mal traités...

Je lirais bien ce livre, mais mon manque de culture et la pile d'attente me poussent à la réflexion.

"Ni dieu, ni maître"

lepaysdesreves a dit…

On va avoir du mal à régler cette question de notre sens de la vie...
Moi, je crois que je cherche la foi. En quelqu'un, quelque chose. Ce n'est pas forcément le choix de la facilité.
Et puis, j'ai de nombreux animaux de compagnie...
Le héros devient fou de ses repères bouleversés.
Cette après midi, mon frère tenait sa toute petite fille de deux jours, et lui, qui n'a jamais cru en grand chose, me disait son étonnement que les gens au tabac, dans la rue, lui parlent normalement, comme si quelque chose d'exatraodianire ne venait pas de se passer.
A sa place, à ce moment là, à cet endroit précis.

Mister J a dit…

Les animaux de compagnie sont domestiqués.

Ce qui nous accompagne, n'ai pas forcément de compagnie...