On donnait Aïda au Stade de France, samedi soir. Dans la même lignée que Nabucco il y a quelques années, le but était de faire découvrir l’opéra au simple quidam, et lutter contre les préjugés tenaces confinant l’art lyrique aux placards d’une « élite ».
Aïda est un opéra en quatre actes de Giuseppe Verdi, créé le 24 décembre 1871 à l'Opéra Khédival du Caire, à l’occasion de l’inauguration du Canal de Suez. L’archéologue Auguste Mariette aida Verdi pour l’intrigue, mais craignant un échec il retira son nom avant la première. Ce fut un succès éclatant (désolée, Auguste).
L’intrigue se déroule entre Thèbes et Memphis, en Egypte, où le soldat Radamès souhaite accomplir des exploits, afin de demander la main d’Aïda, esclave d’Amnéris, la fille de Pharaon (vous suivez ?). Là-dessus, les problèmes s’accumulent (c’est un opéra, pas une comédie musicale…). Problème n°1 : Amnéris aussi aime Radamès (un ménage à trois, donc). Le crêpage de chignons qui a lieu entre les demoiselles quand elles l’apprennent est assez violent, la fille de Pharaon se montrant très peu urbaine (« Moi, fille de Pharaon, je l’épouse, et tu restes esclave à mes pieds, dans la poussière »…moche). Problème n°2 : Radamès parvient à accomplir de hauts faits, puisqu’il gagne le combat contre les affreux méchants Ethiopiens qui ont envahi le pays, oui, mais le roi est le père d’Aïda (aïe ; Corneille et Rodrigue ne sont pas loin). Le soldat demande donc la faveur à Pharaon de relâcher les prisonniers pour ne pas déplaire à sa belle. Mais celui-ci fait excès de zèle, et, pour le remercier d’avoir sauvé le pays, lui offre la main de sa fille Amnéris dans la foulée (re-aïe). Je vous passe la suite : vous irez voir l’opéra.
C’est une œuvre exceptionnelle de Verdi : les airs sont très beaux, il y a un vrai souffle épique dans les musiques, en particulier dans la fameuse marche des Trompettes. Mais le Stade de France a les inconvénients de ses avantages. Le côté grandiose demande à remplir l’espace visuel et sonore, et des parasites s’y engouffrent aisément. Malgré quelques bonnes idées dans la mise en scène, l’ensemble fut décevant ; la première partie fut une suite de ratés : le vent nous portait les bruits de l’autoroute jouxtant le stade, des camions de pompiers et des voitures de police passant toute sirène hurlante, des figurants se trouvaient régulièrement à contrepied de leurs camarades, se demandant où aller, des feux ne partaient pas, les écrans censés grossir les personnages et reproduire les paroles traduites étaient insuffisants (le spectateur se trouvant pourtant face à l’écran géant des paroles avait mieux fait d’apprendre la pièce par cœur pour s’y retrouver…). Serait-ce finalement un spectacle comique ?! D’autant que le simple quidam va à l’opéra comme au cinéma : avec les popcorns… et les commentaires.
Heureusement, nous bénéficions d’une bonne distribution : Adina Aaron (Aïda) était merveilleuse. La voix, le geste, tout était juste. Heureusement nous avions Nicolas de Grigny et Jean-Marie Puissant (qui a monté Didon et Enée, de Purcell, à la Coupole) pour guider les chœurs. Et, heureusement, nous avions Verdi.
Au final, un ressenti mitigé : si l’idée de départ était d’en mette plein la vue, c’est dommage car c’est la voix qui sauve le spectacle ; j’ai l’impression que l’effet aurait été le même si j’avais regardé Avatar sur la petite télévision noir et blanc de ma grand-mère (gâché…). Je conseille donc vivement à ceux qui veulent découvrir l’opéra d’aller… à l’opéra.